Le dossier du mois pharma
Le stress
30/12/2015
- Comment le corps gère-t-il un stress aigu ?
- Pourquoi les réactions au stress peuvent-elles devenir « toxiques» ?
- Qu’est-ce qui différencie le stress aigu du stress chronique ?
- Comment classifier les événements stressants ou stresseurs ?
- Quels sont les rapports entre le système nerveux et immunitaire dans le stress ?
- Est-on égal face au stress ?
- Quelles sont les conséquences des souffrances psychiques au travail ?
- Qu’est-ce que le burnout ?
- Pourquoi parle-t-on de plus en plus de burnout ?
- Quelles différences y a-t-il entre la dépression et le burnout ?
- Qu’est-ce que l’état de stress post-traumatique (ESPT) ?
- Est-on égal face à un état de stress post-traumatique (ESPT) ?
Comment le corps gère-t-il un stress aigu ?
Le stress fait intervenir :
- le système nerveux autonome par sa voie sympathique,
- le système hormonal (cortisol) par l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien associé à la sécrétion par l’hypophyse d’un grand nombre d’autres hormones et de médiateurs (endorphine, prolactine, ocytocine…),
- le système immunitaire par l’intermédiaire de cellules de la lignée blanche et de la production de cytokines.
À ce système descendant répond un système de régulation ascendant de feedback.
C’est ainsi que le cortisol sanguin intervient sur la production des médiateurs hypothalamiques et hypophysaires et dès lors sur sa propre production.
Les différentes réponses s’organisent dans le temps. Elles sont immédiates (quelques secondes) pour la réaction neuronale, plus tardives (minimum 20 à 30 minutes) pour la réponse hormonale (cortisol) de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
Pourquoi les réactions au stress peuvent-elles devenir « toxiques» ?
Le modèle le plus couramment accepté différencie trois phases du stress :
- La phase d’alarme (amélioration des apports en oxygène et glucose vers les muscles, limitation des réactions inflammatoires…) donne à la personne les moyens d’agir ou de fuir : « fight or flight ».
- La phase de résistance correspond à une impossibilité d’agir ou de fuir de l’individu face à l’événement stressant ou au stresseur. Elle peut se conclure positivement, si la personne découvre et met en œuvre une solution qui fait disparaitre l’événement stressant ou négativement lorsque l’événement stressant se prolonge.
- La phase d’épuisement quand le corps persiste dans un « surrégime » délétère. On assiste alors à l’exacerbation de somatisation (mal de dos, lumbago…) et à une dérégulation du système immunitaire.
Le stress est donc nécessaire à la création de réactions d’adaptation face à une évolution de l’environnement. Par contre en persistant, il peut créer une situation réellement toxique et à risque.
Qu’est-ce qui différencie le stress aigu du stress chronique ?
Le stress aigu permet une réaction de défense vis-à-vis d’un stresseur. Une fois le « danger » écarté, les systèmes de régulation permettent un retour de l’organisme à un équilibre (homéostasie).
Plus le contact avec le stresseur est fréquent ou long, c’est-à-dire que l’individu n’a pas de solution pour gérer le problème (manque d’autonomie, peu ou pas de soutien…), plus la situation devient chronique et tend vers l’épuisement. L’organisme devient incapable de retrouver un équilibre satisfaisant par l’activation des systèmes de régulation.
Comment classifier les événements stressants ou stresseurs ?
Il existe une grande différence entre :
- un événement circonscrit dans le temps comme un examen ou le passage d’un entretien d’embauche (stresseur naturel bref),
- un événement douloureux de la vie comme la perte d’un proche (séquence d’événements stresseurs),
- les circonstances de vie longues et persistantes (stresseurs chroniques) comme le chômage de longue durée, une maladie chronique, la prise en charge d’un proche en perte d’autonomie ou handicapé…
Il est aussi important de mentionner les stresseurs distants responsables des stress post-traumatiques dont les conséquences apparaissent plusieurs mois ou années après le traumatisme.
Quels sont les rapports entre le système nerveux et immunitaire dans le stress ?
La psychoneuroimmunologie est une discipline récente qui étudie la relation entre psychisme-neurologie et immunité.
Il a été démontré chez le rat dans les années soixante-dix qu’une immunosuppression pouvait être conditionnée par un comportement. Des études récentes semblent confirmer qu’il en est de même chez l’homme.
D’autres études montrent l’action des cytokines sur le système nerveux central et périphérique. À titre d’exemple, il a été montré que certains lymphocytes diminuent en nombre chez des étudiants lors d’une période de stress comme un examen.
L’hypothèse que les réponses adaptatives ou non, créent et laissent une trace à la fois neuronale et immunitaire est aujourd’hui confortée par de nombreuses études.
Est-on égal face au stress ?
Les femmes sont plus fragiles au stress que les hommes. Selon la littérature, les facteurs individuels, comme la personnalité, ont un effet modulateur sur la capacité adaptative face au stress.
La perception du stress par l’individu intervient aussi dans sa capacité à le gérer.
La réponse immunitaire au stress est fonction de la nature même de celui-ci. Il apparaît que l’importance de la dégradation de l’immunité est corrélée avec le niveau de stress de la profession.
Quelles sont les conséquences des souffrances psychiques au travail ?
Le taux de prévalence de la souffrance psychique liée au travail est 2 fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes.
Entre 2007 et 2012, la prévalence de cette affection a augmenté de 1,1 % à 1,4 % chez les hommes et de 2,3 % à 3,1 % chez les femmes.
Les troubles dépressifs et/ou anxieux sont diagnostiqués pour 82 % chez la femme et 75 % chez l’homme.
Les troubles du sommeil sont plus fréquents chez les hommes (8,9 %) que chez les femmes (4,9 %).
Alors qu’un burnout est détecté chez 7,3 % des hommes, il n’est déterminé que pour 6,7 % des femmes. L’état de stress postraumatique (ESPT) apparaît plus fréquemment chez les hommes (2,9 %) que chez les femmes (2,1 %). Contrairement à ce que les études menées uniquement sur le stress ont démontré les cadres seraient plus touchés par des troubles anxieux et dépressifs que les autres catégories de travailleurs.
Qu’est-ce que le burnout ?
Le burnout ou épuisement professionnel est défini par l’OMS comme : « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail ».
Il peut être considéré comme l’étape finale d’un stress chronique.
En dehors de la fatigue intense qui peut conduire jusqu’à l’impossibilité de se rendre au travail, le burnout se caractérise par une démotivation, une irritabilité, un cynisme, une frustration, le sentiment d’être inutile ou incompétent…
La personne souffre de perte de mémoire, n’est plus capable de prendre des décisions ou de se concentrer, dort mal, prend ou perd du poids, et souffre fréquemment de petites infections ORL ou respiratoires, de gastrites voire d’ulcères ou de douleurs.
Dans les cas les plus extrêmes, le burnout peut être vécu comme une rupture, un écroulement soudain.
Pourquoi parle-t-on de plus en plus de burnout ?
La notion de burnout n’est pas reconnue par les médecins, lui préférant la notion de stress chronique.
Elle apparaît pourtant utile à la description d’un phénomène de plus en plus fréquemment rencontré dans le monde du travail.
Selon l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail (rapport 2006) 1 cas sur 2 d’absentéisme est causé par le stress chronique. L’absentéisme ne permet que très incorrectement d’évaluer le burnout, car de nombreuses personnes en souffrant sont présentes à leur travail (présentéisme) sans pour autant être efficaces.
Quelles différences y a-t-il entre la dépression et le burnout ?
Sauf à dire que le burnout est un syndrome uniquement lié au travail, la frontière entre les deux troubles est ténue.
Le burnout peut s’aggraver en dépression et les antécédents de dépression sont un facteur de risque de l’apparition du burnout
Qu’est-ce que l’état de stress post-traumatique (ESPT) ?
L’ESPT se définit comme : « le développement de symptômes spécifiques faisant suite à l’exposition à un événement traumatique dans un contexte de mort, de menaces de mort, de blessures graves ou d’agression sexuelle. »
Il peut être aigu lorsqu’il ne dure qu’un mois, devenir chronique (plus d’un mois) ou différé s’il survient six mois après l’événement traumatisant.
Une personne en ESPT subit une hypervigilance, cherche à éviter certaines situations de la vie quotidienne et revit de manière répétitive l’événement traumatisant.
Est-on égal face à un état de stress post-traumatique (ESPT) ?
Il apparaît aujourd’hui que l’ESPT est différent selon les personnes qui ont subi un même traumatisme.
Le sexe féminin et le jeune âge au moment du traumatisme ainsi que les antécédents personnels et familiaux de troubles anxieux, thymiques et addictifs sont des facteurs de fragilité face à un traumatisme et peuvent déclencher ou aggraver un ESPT.
Les personnes ayant déjà subi un premier traumatisme déclencheront plus facilement un ESPT.
Les traumatismes entre une victime et une personne ou des personnes malveillantes (agressions physiques ou sexuelles) sont plus susceptibles de favoriser un ESPT que des événements traumatisants impersonnels (catastrophes naturelles…).
- Comment détecter une situation de stress chronique ?
- Comment prendre en charge une situation de stress chronique ?
- Y a-t-il d’autres personnes susceptibles de subir un stress chronique en dehors de la vie professionnelle ?
- Pourquoi la prise d’anxiolytique peut-elle entraîner des pertes de mémoire ou une dépendance ?
- Comment sécuriser la prise d’anxiolytique ?
- Comment sécuriser la prise d’un hypnotique ?
- Comment favoriser une bonne hygiène du sommeil ?
Comment détecter une situation de stress chronique ?
La plainte de souffrance au travail ne doit pas être prise à la légère.
La fatigue, le mal de dos ou les troubles du sommeil sont des plaintes fréquentes, qui peuvent cacher une souffrance psychique au travail voire un stress chronique.
Les symptômes évocateurs de stress sont à la fois :
- somatiques (fatigue, céphalées, tensions musculaires, dorsalgies…),
- psychologiques (incapacité à se détendre, à prendre du plaisir, anxiété, irritabilité, troubles du sommeil et de l’appétit, diminution de la libido…),
- cognitifs (troubles de la concentration et de la mémoire…).
Ils peuvent également s’accompagner d’une consommation accrue d’alcool et/ou de tabac
Comment prendre en charge une situation de stress chronique ?
Le stress professionnel, s’il n’est pas détecté suffisamment tôt, peut évoluer vers l’épuisement professionnel et/ou une dépression caractérisée.
Il est important de pouvoir détecter, sous des demandes banales, des éléments qui peuvent orienter vers une possible surcharge de travail.
Une attitude bienveillante et sans jugement est nécessaire pour que la personne se sente entendue dans sa souffrance et n’entre pas dans un processus de culpabilisation.
Une personne en situation de stress chronique est une personne fragile qui doit être aidée.
Le recours à un psychiatre et/ou un psychologue, n’est cependant pas nécessaire à toutes les étapes de cette évolution.
Une consultation auprès d’un médecin généraliste, des adaptations professionnelles peuvent suffire à réduire ce stress.
Y a-t-il d’autres personnes susceptibles de subir un stress chronique en dehors de la vie professionnelle ?
À l’officine, les aidants familiaux qui s’occupent d’une personne handicapée ou en perte d’autonomie sont particulièrement à risque de subir un stress chronique.
Selon les estimations entre 30 % et 58 % des aidants naturels ont un haut risque de détresse psychologique (contre environ 20 % pour la population générale).
Ce sont très fréquemment des femmes qui constituent 54 % des aidants familiaux.
Ce chiffre atteint 74 % lorsque la perte d’autonomie d’un ascendant s’aggrave ou devient psychique et que les soins sont plus contraignants (incontinence, escarre…).
Pourquoi la prise d’anxiolytique peut-elle entraîner des pertes de mémoire ou une dépendance ?
Les anxiolytiques de la famille des benzodiazépines et apparentés agissent sur les récepteurs au GABA A.
Les benzodiazépines agissent sur les unités alphas de ces récepteurs. En fonction de leur affinité élective pour telle ou telle sous-unité alpha, les benzodiazépines entraînent les effets thérapeutiques recherchés (sédation, anxiolyse, relaxation musculaire, ou activité anticonvulsivante) et des effets indésirables de dépendance et de perte de mémoire.
Le risque de dépendance augmente avec la durée de traitement, ce qui a poussé les autorités à limiter la prescription des benzodiazépines à visée anxiolytique à 12 semaines.
Par contre, autant la prise régulière et au long cours de benzodiazépines est néfaste, autant son arrêt brutal est dangereux car synonyme de syndrôme de sevrage.
Comment sécuriser la prise d’anxiolytique ?
La HAS conseille que : « Les effets secondaires et les modalités d’arrêt du traitement sont à expliquer au patient dès son instauration (traitement sous benzodiazépine). » Et que : « L’arrêt doit toujours être progressif, sur une durée de quelques semaines à plusieurs mois [en cas de traitement chronique]. »
Le processus amenant à l’arrêt doit être inauguré et suivi par un médecin et peut être accompagné par un pharmacien.
Ce processus intègre une diminution régulière et cadencée de la prise d’anxiolytique sur 4 semaines à plusieurs mois et ne peut réussir qu’avec l’accord et la motivation du patient.
Comment sécuriser la prise d’un hypnotique ?
La HAS rappelle : « Qu’aucun médicament n’est indiqué dans le traitement de l’insomnie chronique. Qu’une dépendance aux hypnotiques est possible, même en l’absence de facteur de risque de dépendance. Que les hypnotiques peuvent être un facteur d’entretien de l’insomnie, notamment en raison du rebond d’insomnie qu’ils peuvent induire à l’arrêt. »
Elle constate que l’effet des hypnotiques est relatif et n’est pas persistant dans le temps.
Une prise répétitive et renouvelée d’un hypnotique est dès lors une situation à risque, d’autant plus si elle n’est pas associée à une revalorisation de la situation du patient à chaque prescription.
La HAS recommande que le patient soit « informé des conditions du traitement, de ses effets indésirables et des précautions à respecter. En particulier, il doit être informé du faible effet de ces médicaments, des risques de troubles de la mémoire, de somnolence, de troubles du comportement et de chute ainsi que de phénomènes de tolérance pharmacologique et de dépendance. »
Comment favoriser une bonne hygiène du sommeil ?
La HAS recommande de :
- Dormir selon les besoins, mais pas plus,
- Eviter les siestes trop longues (> 1 h) ou trop tardives (après 16 h),
- Adopter un horaire régulier de lever et de coucher,
- Pour les personnes âgées, retarder le coucher,
- Limiter le bruit, la lumière et une température excessive dans la chambre à coucher,
- Éviter la caféine, l’alcool et la nicotine,
- Pratiquer un exercice physique dans la journée, mais en général pas après 17 h. Éviter les repas trop copieux, trop gras le soir.
Faut-il prendre en charge toutes les asthénies ?
La fatigue est aussi bien un signe de bonne santé que le symptôme d’une maladie.
C’est le contexte qui détermine s’il s’agit de l’un ou de l’autre.
Il est dès lors essentiel d’orienter toutes fatigues sans raison évidente vers un médecin, plus particulièrement si elle s’accompagne d’un changement de l’humeur, d’une perte de motivation voire d’un cynisme.
L’impossibilité de retrouver un élan malgré une période de repos de plus de 2 semaines doit aussi favoriser la consultation.
Il est important de rechercher un burnout ou un épuisement possible, afin de prévenir une dépression.
Que peut-on conseiller face à une situation de stress ?
L’American Heart Association propose les conseils suivants pour lutter contre le stress :
- Parler avec sa famille et ses amis
- Avoir une activité physique régulière et quotidienne
- Rechercher ce qu’il est possible de faire
- Rire
- Éviter de fumer, boire, prendre des excitants
- Prendre son temps (penser «paix» plutôt que «course»)
- Mieux dormir
- Améliorer son organisation
- Aider vos collègues comme ils vous ont aidé
Ne pas dramatiser lorsque les tâches que vous aviez à faire ne sont pas achevées.
Que dire de l’approche cognitivo-comportementale (TCC) pour traiter l’état de stress post-traumatique (ESPT) ?
La TCC, approche psychothérapeutique basée sur la réflexion et la mise en avant de pensées et de réactions en adéquation avec la réalité, obtiendrait le meilleur taux de réussite (60 à 70 %) auprès des patients ayant subi des évènements traumatisants
Que dire sur l’efficacité des méthodes de relaxation ?
Selon les résultats des études recueillies par le site Cochrane le niveau de stress était réduit de 23 % lorsque la personne stressée bénéficiait de méthodes de relaxation physique et/ou psychique.